La méditation pour les enfants

Par Guillaume Kac – 14 août 2017

La meditation pour les enfants

Psychothérapeute néerlandaise, Eline Snel est à l’origine d’une méthode de méditation adaptée aux enfants et adolescents. Nombre d’enseignants, notamment en France, utilisent ainsi ses programmes de formation, ses guides de mindfulness, “Calme et attentif comme une grenouille” et “Respirez”, ainsi que ses manuels, afin de permettre à leurs élèves de mieux se concentrer, pour mieux apprendre et chasser le stress.

Comment en êtes-vous venue à créer votre méthode de méditation pour les enfants ?

La méditation de pleine conscience, c’est simplement être présent, et faire attention à ce qui se passe, dans l’instant présent. Aux enfants, nous expliquons cela ainsi : quand tu joues, tu sais que tu joues, et tu ne penses pas à autre chose. Dans ce sens, la mindfulness consiste à faire attention à nos réactions automatiques : quand les enfants sont en colère, ils ont tendance à s’énerver, à crier, à taper… mais quand ils font attention à ces réactions automatiques, ils peuvent apprendre à les stopper et à se comporter autrement. La méditation permet ainsi aux enfants d’apprendre à se contrôler.

J’ai découvert la mindfulness il y a une trentaine d’années, quand j’étais infirmière. Je l’ai testée dans les années 1990 auprès de ma fille de 6 ans, Anne, avant de l’apprendre à des adultes : quand elle revenait de l’école, elle était énervée, stressée, car son enseignante lui demandait de se concentrer… sans lui expliquer comment faire pour cela. J’ai alors incité ma fille, chaque jour, à faire attention à sa respiration, afin de se calmer. De là est apparue une véritable méthode d’entraînement à l’attention, pour les enfants. Mais je n’avais alors pas prévu de la formaliser.

 

Il y a 12 ans, devenue psychothérapeute, j’ai enseigné la méditation de pleine conscience à un groupe de professeurs des écoles et de directeurs d’établissements. Ces derniers étaient intéressés par la possibilité d’en faire profiter leurs élèves. Mais aucune méthode, adaptée aux enfants, n’existait alors aux Pays-Bas, et en règle générale en Europe ; c’est pourquoi j’en ai conçu une, à destination des enseignants et des parents, après être intervenue pendant 2 mois dans une classe. Depuis 2009, plus de 400 enseignants ont été formés aux Pays-Bas, dans le cadre de ma formation destinée aux instituteurs – une formation financée par le ministère de l’Education néerlandais.

Actuellement, des milliers d’enfants utilisent votre méthode à l’école, aux Pays-Bas, mais aussi en France, en Belgique, en Espagne, en Suisse, à Hong-Kong, au Chili… En quoi consiste-t-elle, et quels sont ses bénéfices pour un élève ?

Ma méthode mêle des activités de respiration, de concentration et d’observation, qui se déroulent dans le cadre d’une histoire ou d’un conte : tout en s’amusant, l’enfant ou l’adolescent apprend l’importance du souffle, l’aspect passager des émotions. Il apprend à observer, à respirer tout en faisant attention à sa respiration, à maîtriser ses émotions.

J’ai conçu 4 manuels, avec des façons de pratiquer différentes selon l’âge : il existe ainsi un premier livre pour les 4-8 ans, un second pour les 8-12 ans, un troisième pour 12-14 ans, et un quatrième pour les 14-18 ans. Il s’agit de la même méthode, mais les histoires sont différentes. En effet, un adolescent n’a pas les mêmes sujets d’intérêts qu’un enfant de 8 ans, et il apprendra et méditera d’une toute autre façon. Un enfant de 4-5 ans aura par exemple besoin de méditer à partir de véritables contes, comme celui de Grégoire la Grenouille. Un adolescent aura de son côté besoin d’histoires moins ludiques, ou en tout cas différentes.

Un groupe d'enfants pratiquant la méditation en position assise, les yeux fermés et les mains posées sur les genoux.
Des écoliers de Denver, Colorado, en pleine méditation / Chalkbeat / Licence CC

Les enseignants qui testent ma méthode constatent tous très vite chez leurs élèves une concentration plus grande, une meilleure capacité de mémorisation, ainsi qu’un climat scolaire plus apaisé. Les résultats scolaires sont aussi meilleurs, mais ce n’est pas la priorité : ces exercices d’attention n’ont pas pour but de rendre les élèves plus performants, mais de leur permettre de chasser leurs émotions négatives.

Beaucoup d’enfants résistent à la méditation au départ. Beaucoup sont dissipés, ont des problèmes de comportement… et le fait d’apprendre à se concentrer est très important pour eux. En observant et en apprivoisant leur monde intérieur (leurs pensées et leurs sentiments), ils se sentent mieux dans le monde réel.

Les élèves, notamment en France, sont sous pression : ils sont notés, mis en concurrence… et les obstacles émotionnels qui freinent leur réussite sont rarement pris en compte. Il est important de comprendre que nous ne vivons pas que dans le monde extérieur. Nous avons aussi un monde intérieur très riche. Beaucoup d’enfants ont de nombreux talents, mais à l’école, c’est comme si nous ne pensions qu’aux bonnes notes, réduisant les “bons” élèves à des enfants ayant de bonnes notes. En faisant cela, nous n’évaluons que la capacité du cerveau à se souvenir ; or, nous sommes bien plus que des notes.

Beaucoup d’enfants sont très créatifs, imaginatifs, doués en musique, ou dans d’autres domaines, mais ne sont pas valorisés. Si nous regardons et écoutons réellement les enfants, sans attendre d’eux qu’ils rentrent dans un moule, nous pouvons voir et faire surgir de leur monde intérieur des choses d’une grande valeur…

Le fait de méditer permet de se sentir mieux, et ainsi de mieux s’organiser et de mieux se concentrer, afin, finalement, d’apprendre mieux. Le fait de prêter attention à son monde intérieur et de chasser ses émotions négatives permet aussi à l’enfant d’être plus créatif et plus intuitif, et d’être capable de penser différemment, d’une façon originale.

Des enfants engagés dans une séance de méditation, apprenant à cultiver la calme intérieur et la pleine conscience.
La mindfulness à l’école / AME

Pour vous, la méditation de pleine conscience peut aussi être une réponse au harcèlement…

En chassant leurs émotion négatives, les enfants apprennent mieux, mais ils font aussi preuve de davantage de compassion envers leurs camarades – ce qui se traduit par moins d’agressions, et moins de harcèlement scolaire. Les recherches actuelles le prouvent : lorsque tous les enfants ou adolescents d’une école ou d’un collège pratiquent la mindfulness, chaque jour, même pendant 5 minutes, il n’y a pas besoin d’un programme de prévention du harcèlement.

Parce que les élèves ont appris à faire une pause, à ne pas réagir de manière impulsive, leur self-control est plus grand, ainsi que leur gentillesse. Qu’il s’agisse de se concentrer en classe ou d’être moins agressifs entre eux ; leurs comportements changent, de l’intérieur, et non parce que quelqu’un a essayé de les changer depuis l’extérieur.

La méditation de pleine conscience peut-elle être utile pour les enseignants eux-mêmes ?

Des enfants participant à un programme de méditation adapté à leur âge, favorisant la relaxation, la gestion du stress et la concentration.
La méditation en classe de 4e / AME

Vous ne pouvez pas apprendre aux enfants à méditer, sans pratiquer la mindfulness vous-même. Chaque enseignant doit donc méditer, au préalable. Quand il le fait régulièrement, et quand ses élèves le font aussi régulièrement, il y a une atmosphère d’apprentissage totalement différente. Les enfants sont moins stressés, capables d’apprendre plus facilement, mais les enseignants, de leur côté, sont aussi plus zen.

Leur métier est très exigeant, très stressant ; avec la méditation, ils sont davantage capable de laisser derrière eux leur stress, mais aussi de faire attention aux signaux du burn-out en se plongeant dans leur monde intérieur. Un enseignant sur 6 est victime de burn-out. Cet épuisement professionnel est un signal extérieur, en provenance de l’intérieur. Or, quand vous ne reconnaissez pas vos sentiments et vos limites, il y a de grandes chances pour que vous ne reconnaissiez pas non plus les signaux du burn-out. Plus un enseignant fera attention à ses sentiments, à son corps et à son état intérieur, plus il sera capable de chasser un hypothétique épuisement physique, mental et émotionnel.

Finalement, en étant davantage capable de prendre soin d’eux et de canaliser leur stress, les enseignants pratiquant la méditation (même quelques minutes, dans la salle des profs ou dans les toilettes) apaisent leurs élèves, et améliorent aussi leur pédagogie. Voilà pourquoi la méditation devrait être généralisée dans tous les établissements scolaires : il s’agit d’un réel besoin, chez les enfants comme chez les adultes.

 

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