Face aux difficultés, il faut savoir s'arrêter

Par Guillaume Kac – 23 juin 2016

Un panneau de signalisation stop, symbolisant l'importance de faire une pause et de prendre du recul lorsqu'on rencontre des difficultés.

Savoir s’arrêter: la méditation ?Quand le rythme de vie est trop important, il faut savoir s’arrêter pour laisser place à notre sagesse fondamentale. S’arrêter, ce n’est pas occuper son temps d’une autre manière avec des passe-temps. S’arrêter signifie renoncer à toute activité orientée vers un but pour se mettre à l’écoute d’une sensibilité plus profonde plus silencieuse. C’est le propos de la méditation de pleine conscience.

Au départ, il y a : la course folle

Au départ, il y a : la course folle

Dans nos sociétés occidentales, nous sommes nombreux à avoir l’impression de toujours devoir courir, de ne jamais avoir la possibilité d’aller au fond des choses, de ne pas avoir le temps de vivre complètement les événements qui rythment nos vies. Nous avons, pour la plupart d’entre nous, vécu une jeunesse insouciante, protégée par des parents aimants, et nous avions pour objectif principal de « devenir grand », d’apprendre un maximum de choses pour bien nous positionner dans la société. Nous l’ignorions alors, mais cette période était la seule de notre vie que nous pouvions consacrer entièrement à nous-mêmes.

Cette période aurait dû nous laisser le souvenir d’un bonheur inestimable. Heureusement, c’est vrai pour la plupart d’entre nous. Les souvenirs les plus importants qui nous restent concernent les apprentissages réalisés dans la famille, à l’école, et dans les activités sociales ou extrascolaires. Cependant, dès ce jeune âge et, pour des raisons de prétendue efficacité, nos proches nous mettaient déjà en compétition les uns avec les autres :

– Nos frères et sœurs, pour l’attention et l’amour de nos parents.

– Nos camarades de classe, pour avoir les meilleures notes et tirer le maximum d’avantages en occupant une position privilégiée à l’école.

– Nos amis, dans les activités ludiques et sportives où la performance individuelle était la plupart du temps plus valorisée que la performance collective.

– Les copains et les copines de quartier, auxquels nous nous comparions sur des bases de valorisation empruntées aux adultes.

À l’adolescence, les choses empiraient. En plus des modifications importantes que nous ressentions dans notre corps et les pulsions liées aux hormones, la pression de la société et celle de nos parents étaient maximums pour nous positionner le plus tôt possible dans la société. Nos principales préoccupations s’orientèrent très tôt autour de notre capacité à trouver un conjoint, à faire carrière ou à devenir propriétaire.

Ainsi, nous avons adopté l’obligation de réussir selon les normes sociales en cours. Nos activités préférées étaient copiées sur celles de nos amis et de nos relations. Et déjà, elles étaient prétextes à compétition.
Dans les jeux, le but était de faire un meilleur score que nos amis.

Nos expérimentations amoureuses, elles aussi, tournaient également très vite à la compétition, car il fallait avoir le copain ou la copine que tous étaient amenés à désirer, car considérés comme désirables selon les standards de la société.

Le top départ de la course n’a pas attendu nos 18 ans. Notre vie allait se focaliser sur la poursuite sans fin de nos ambitions, de nos désirs de consommation avec pour unique perspective et point final « gagner », mais gagner quoi au final ?

Gagner et après ?

À quoi peut bien servir cette victoire, surtout après avoir passé nos plus belles années à griller et abimer un corps magnifique, dilapider une énergie qui semblait inépuisable pour finalement aboutir à la réalisation de nos soi-disant rêves, mais avec un corps passablement dégradé, une vitalité réduite ou un moral en berne et le stress omniprésent désormais.

Gagner, cela consiste selon les schémas habituels à réaliser les objectifs ambitieux que nous nous étions fixés. Il s’agit de ceux que nous pensions avoir fixés nous-mêmes. Mais, dans les faits, cela ne résistait pas à un examen minutieux. Nous découvrions souvent que ces objectifs n’ont jamais été réellement les nôtres. De fait, nous avons adopté ceux que la société avait préparés pour nous, « en prêt à consommer » directement sur étagère.

Et par quoi se solde cette course ? Dans le meilleur des cas par une victoire, mais pas au bénéfice d’un individu clairement identifié, ni même sur nous-mêmes, juste pour une image idéalisée de réussite que la société nous a proposée comme modèle.

Les trophées de la victoire

La solitude, la vieillesse, et… En effet, cette bataille qui dure toute une vie est souvent solitaire et se fait au détriment de la qualité des relations véritables que nous pouvons construire avec les autres. Même le couple se transforme souvent en une juxtaposition de deux égos, laissant peu de place au « vivre ensemble », l’amour ayant abdiqué depuis longtemps. Et, pour tout le monde sur cette terre, après une vie de solitude, nous finissons par nous retrouver face à la maladie, la vieillesse et la mort.

Et le bonheur dans tout cela ?

En fait, cette course ne nous intéresse même pas. Ce que nous cherchions, c’était juste le bonheur, une réalisation pleinement humaine nous aurait convenu à partir du moment où nous pouvions nous réaliser en étant bien avec les autres et en ayant la possibilité de rencontrer l’amour.

Pas seulement l’amour-passion, mais aussi, le respect, l’affection que nous pouvions recevoir et éprouver pour les autres et qui se manifeste par une empathie réciproque, dans une vie simple dans un cadre de vie apaisé. Au lieu de cela, nous sommes partis dans la compétition, ajoutant de la complexité à la difficulté, et ce avec plus ou moins de handicaps, persuadés que c’était la bonne voie, celle de la raison.

C’était forcément le chemin qu’il fallait prendre, car c’était le seul qui soit mesurable et objectif. Nous sommes partis dans cette direction, car il donnait l’impression d’être balisé et clair. Il était rassurant, nous donnant le sentiment d’être en contrôle et de pouvoir diriger les opérations et de contrôler nos vies. En réalité, nous n’avons rien maîtrisé du tout. Ce chemin était balisé certes, de panneaux et d’indications trompeuses.

Notre chance : les accidents de la vie

Les échecs, les maladies, la perte d’un être cher, un licenciement, une faillite, une fuite, une expatriation nécessaire, nous ont parfois ramenés brutalement à la réalité. Ils nous ont obligés à voir le monde tel qu’il est réellement, et ce non seulement au niveau de la société, mais aussi des personnes qui nous entourent et avant tout de nous-mêmes.

Ayant perdu le job dans lequel nous nous étions tant investis, ayant été obligés de quitter le pays dans lequel nous étions nés et qui constituait une part significative de notre identité, ayant vu disparaître les personnes qui nous étaient chères, nous avons été confrontés à nous-mêmes et aux choix que nous avions faits. C’est dans ces situations que nous sommes obligés de nous poser les vraies questions, de travailler sur nous-mêmes.

Il faut nous interroger sur la personne que nous sommes au-delà de l’image artificielle que nous nous sommes construite, sur ce qui est vraiment important pour nous et ce que nous voulons vraiment faire de notre vie. Heureusement, tout le monde n’a pas besoin d’accidents dramatiques pour se poser les bonnes questions.

Par contre, nous avons tous besoin de faire un travail sur nous-mêmes pour comprendre qui nous sommes et donc réorienter notre vie vers ce qui est vraiment important à nos yeux et qui correspond à ce que nous sommes. Pour ce faire et, quel que soit notre chemin, notre âge, notre sexe, notre condition, ou les réalisations déjà obtenues, il y a un préalable incontournable.

S’arrêter

Oui, arrêter de courir, se poser, regarder, respirer et lâcher prise, prendre le temps de vivre, de connaitre le monde, les autres et se réconcilier avec soi-même, s’arrêter pour prendre conscience des flux de pensées et d’émotions dans lesquels baigne notre esprit.

Pour devenir sensible aux murmures souterrains de notre humeur, il faut que l’esprit s’accorde une pause, ce qu’il n’accepte pas spontanément. En règle générale, nous ne faisons pas attention à nos émotions. Nous en prenons conscience uniquement quand, après s’être accumulées, elles finissent par déborder. Le rythme frénétique de la vie moderne nous donne trop peu de temps pour assimiler, comprendre et réagir. Les émotions restent donc enfouies au plus profond de nous-mêmes.

La pression que le quotidien exerce sur notre mental refoule la voix intérieure dont les avis nous sont si précieux. Ceux qui sont incapables de déchiffrer leurs sentiments sont très désavantagés dans leur vie privée comme dans leur travail. Quand le rythme de vie est trop important, il faut savoir s’arrêter pour laisser la place à notre intuition, à notre sagesse fondamentale. S’arrêter, ce n’est pas occuper son temps d’une autre manière avec des passe-temps par exemple : la télévision, le sport, même un livre, ce n’est pas mauvais en soi, mais ce n’est pas s’arrêter.

S’arrêter signifie renoncer à toute activité orientée vers un but pour se mettre à l’écoute d’une sensibilité plus profonde plus silencieuse. C’est le propos de la méditation de pleine conscience. Non seulement développer notre attention et affiner notre esprit, mais aussi dépasser nos dépendances par rapport aux circonstances extérieures et se mettre à l’écoute du monde et de nous-mêmes. S’arrêter, c’est cesser d’alimenter le flot incessant de nos pensées et de nos émotions.

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